Lettre à Manon
(6) - novembre 2001

«Cette lettre peut vous surprendre, mais sait-on ?
Peut-être pas... Quelques braises échappées
des cendres, d'un amour si loin déjà...» (Goldman)

Je n'ai pas revu Manon depuis plus d'un an lorsque sort le dernier album de Goldman. Je ne l'ai pas oubliée, et en écoutant les dernières créations de cet artiste que nous adorions tous les deux, je suis extrêmement touché par les textes... comme s'ils avaient été écrits pour "nous" ! J'ai retrouvé une certaine sérénité, je me sens bien, et pour la première fois je n'ai plus peur de revoir Manon, j'en ai même très envie ! Alors je décide de lui écrire, et je m'invente une rencontre virtuelle avec Jean-Jacques Goldman lui-même...

Ma petite Manon…

Voilà, le dernier album de notre ami Goldman vient de sortir. Comme il s'appelait "Chansons pour les pieds", j'ai pris mes jambes à mon cou et je suis allé l'acheter en courant, j'avais trop envie de découvrir les nouvelles créations de ce grand monsieur que j'ai redécouvert depuis toi. Ce gars-là a vraiment quelque chose, un talent, une sensibilité... Il sait me toucher et m'émouvoir comme peu d'artistes. Mais puisque je suppose que tu ne tarderas pas à tomber amoureuse de ce nouvel album, je me dois de te faire quelques confidences. Tout a commencé il y a quelques mois par un mail reçu d'un certain Jean-Jacques qui venait de visiter mon site Internet... J'ai d'abord cru à un canular, et j'ai répondu sans trop y croire. Mais au bout de quelques échanges incroyables par mail, j'ai dû me rendre à l'évidence : c'était bien lui ! Il m'a demandé d'être discret, il m'a fait jurer de ne dévoiler son adresse e-mail à personne, de ne pas parler de notre rencontre... Impressionné, j'ai tenu parole, tu penses ! (Je n'en reviens toujours pas aujourd'hui)

Il a commencé par me poser des questions sur une certaine 'Manon', très ému par l'histoire qu'il avait lue sur le site. En quelques messages (j'en ai reçu dix de lui que j'ai conservés précieusement) nous avons parlé de tout, de la vie, de l'amour... C'était surréaliste je t'assure ! Lui m'a décrit "le blues de la cinquantaine..." J'ai compris alors qu'il n'était pas très bien, en panne d'inspiration, qu'il errait sur le net en quête d'émotions. C'est comme ça qu'il avait atterri sur mon site. Touché, il m'avait laissé un message inoubliable (enfin, du Goldman quoi !)... De fil en aiguille, de confidences en confidences, nous avons en quelque sorte "sympathisé" et 'Manon' est devenue un personnage central de nos discussions. A tel point qu'un jour... il m'a proposé d'écrire une ou deux chansons sur cette histoire pour son prochain album !! J'ai encore cru qu'il se moquait de moi... Mais quelques jours plus tard, il m'envoyait un texte accompagné de quelques lignes :

"Ensemble" est pour toi Cyril : j'ai tenté de traduire avec mes mots l'absence dont tu m'as parlé... Sauras-tu reconnaître ton sentiment ? Amicalement, Jean-Jacques." (février 2001)

Ensemble

Souviens-toi
Etait-ce mai, novembre, ici ou là ? Etait-ce un lundi ?
Je ne me souviens que d'un mur immense, mais nous étions ensemble
Ensemble, nous l'avons franchi, souviens-toi...
Reviens-moi
De tes voyages si loin, reviens-moi, tout s'ajoute à ma vie
J'ai besoin de nos chemins qui se croisent
Quand le temps nous rassemble ensemble, tout est plus joli...
(JJG 2001, "Ensemble")


Evidemment, j'ai adoré, je lui ai dit de ne rien changer ! Je l'ai remercié pour ce beau cadeau, lui m'a remercié à son tour en m'avouant que notre rencontre et l'histoire de Manon avaient réveillé des tas de choses en lui... Quelques semaines ont passé, et j'ai reçu un nouveau message de lui.

"J'ai voulu faire une chanson sur Manon, sur la particularité et la différence de cette jeune femme dont tu m'as tant parlé, et avec tant d'admiration. Mais je ne sais d'elle que ce que tu m'en as dit , et j'ai eu peur d'en parler à mon tour, d’écrire un texte dans lequel tu ne l’aurais pas reconnue. Alors, j'ai pris le parti de faire le portrait d'une jeune fille que tu n'as pas connue : Manon à 16 ans. L'histoire se passe ailleurs, dans un autre décor en une autre époque, mais le cœur bat de la même manière, les instants magiques de l'adolescence deviennent "souvenirs-sourires" logés au chaud dans la mémoire, les violons et les vies tournent, tournent et s'en vont... Amicalement, Jean-Jacques." (avril 2001)

Tournent les violons

Grande fête au château il y a bien longtemps
Les belles et les beaux, nobliaux, noble sang
De tout le royaume on est venu dansant

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

Grande fête aux rameaux et Manon a seize ans
Servante en ce château comme sa mère avant
Elle porte les plateaux lourds à ses mains d'enfant

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

Le bel uniforme, oh le beau lieutenant
Différent des hommes d'ici blond et grand
Le sourire éclatant d'un prince charmant

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

Redoublent la fête et les rires et les danses
Manon s'émerveille en remplissant les panses
Le bruit, les lumières, c'est lui qui s'avance

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

En prenant son verre auprès d'elle il se penche
Lui glisse à l'oreille en lui frôlant la hanche
"Tu es bien jolie" dans un divin sourire

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

Passent les années dures et grises à servir
Une vie de peine et si peu de plaisir
Mais ce trouble là brûle en ses souvenirs

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

Elle y pense encore et encore et toujours
Les violons, le décor, et ses mots de velours
Son parfum, ses dents blanches, les moindres détails

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

En prenant son verre auprès d'elle il se penche
Lui glisse à l'oreille en lui frôlant la hanche
Juste quatre mots, le trouble d'une vie
Juste quatre mots qu'aussitôt il oublie

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

Elle y pense encore et encore et toujours
Elle y pense encore et encore et toujours

Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons
Tournent les vies oh tournent les vies oh tournent et s'en vont
Tournent les vies oh tournent les violons

(JJG 2001, "Tournent les violons")


Je lui ai dit que c'était bien elle, que j'avais reconnue Manon dans cette jolie histoire... Je lui ai aussi dit qu'il était décidément trop fort et que je l'aimais (ben oui, comme ça dans un 'élan du coeur' je lui ai écrit "Jean Jacques, je t'aime !"...). Mais il m'a plus ému encore avec ce message reçu alors que j'étais en train de cueillir du sable au Sénégal :

"Mon ami Cyril, tu m'as dit un jour que tu ne savais pas comment reprendre contact avec Manon après tous ces mois d'éloignement, d'absences, de non-dits et de silence... Que tu avais pensé cent fois à lui écrire, que tu n'avais jamais osé, que tu aimerais pouvoir la revoir, renouer un instant la complicité que vous aviez, ne serait-ce qu'un instant... J'ai écrit cette lettre pour toi. Ni déclaration d'amour pathétique ni appel au secours désespéré, c'est avant tout une main tendue qui tente de briser le silence entre deux personnes qui auraient encore tant à partager. Puisse ce texte te donner la force et le courage de lui écrire un jour... Amicalement, Jean-Jacques " (juillet 2001)

Je voudrais vous revoir

Cette lettre peut vous surprendre, mais sait-on ? peut-être pas
Quelques braises échappées des cendres, d'un amour si loin déjà
Vous en souvenez-vous ? Nous étions fous de nous
Nos raisons renoncent, mais pas nos mémoires
Tendres adolescences, j'y pense et j'y repense
Tombe mon soir et je voudrais vous revoir

Nous vivions du temps, de son air, arrogants comme sont les amants
Nous avions l'orgueil ordinaire du "nous deux c'est différent"
Tout nous semblait normal, nos vies seraient un bal
Les jolies danses sont rares, on l'apprend plus tard
Le temps sur nos visages a soumis tous les orages
Je voudrais vous revoir et pas par hasard

Sûr il y aurait des fantômes et des décors à réveiller
Qui sont vos rois, vos royaumes ? mais je ne veux que savoir
Même si c'est dérisoire, juste savoir : Avons-nous bien vécu la même histoire ?

L'âge est un dernier long voyage, un quai de gare et l'on s'en va
Il ne faut prendre en ses bagages que ce qui vraiment compta
Et se dire merci pour ces perles de vie
Il est certaines blessures au goût de victoire
Et vos gestes, y reboire, tes parfums, ton regard
Ce doux miroir où je voudrais nous revoir...
(JJG 2001, "Je voudrais vous revoir")


Voilà Manon, je voudrais te revoir, et pas par hasard.

Cyril

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