L'île des gauchers
Alexandre Jardin

« La seule réalité n'est-elle pas celle des sentiments ? »

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Résumé - Dans un archipel du Pacifique Sud ignoré des géographes, l'île des Gauchers abrite une population où les droitiers ne sont plus que l'exception. Mais là n'est pas le plus important. Cette minuscule société, fondée par des utopistes français en 1885, s'est donné pour but de répondre à une colossale question : comment fait-on pour aimer ? Sur cette terre australe, le couple a cessé d'être un enfer. C'est l'endroit du monde où l'on trouve, entre les hommes et les femmes, les rapports les plus tendres. Voilà ce que vient chercher, dans l'île des Gauchers, lord Jeremy Cigogne. À trente-huit ans, cet aristocrate anglais enrage de n'avoir jamais su convertir sa passion pour sa femme Emily en amour véritable. À trop vouloir demeurer son amant, il n'a pas su devenir un mari.

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Un sentiment d'incomplétude

Aimer avait toujours été la grande affaire de la vie de lord Jeremy Cigogne ; mais à trente-huit ans, cet aristocrate anglais enrageait de n'avoir jamais su convertir sa passion pour sa femme en un amour véritable. Certes, il n'était pas de ces époux négligents qui laissent leur couple dans la quiétude. Tout au long de leurs sept années de mariage, Cigogne avait remué le coeur d'Emilie avec la même furie d'esprit dont il faisait tout. Il avait même suscité quelques embarquements échevelés, avec l'espoir de donner à leur histoire une tournure de liaison très française. Mais Jeremy sentait à présent combien il s'était trompé en cherchant à perpétuer l'élan de leur ancienne passion, tout l'artificiel que comportait sa lutte contre l'usure. À trop vouloir demeurer l'amant de sa femme, il n'avait pas su devenir son époux.
Les années n'avaient pas fatigué les sentiments qu'Emily lui portait; cependant - et cela faisait désormais toute l'inquiétude de Cigogne - un sentiment d'incomplétude ne cessait d'augmenter en elle. Jeremy l'aimait avec feu sans la voir. Ils étaient passés par toutes sortes d'ivresses ; mais le profit des passions n'est que dans l'enivrement qu'elles procurent.

Le coeur ne peut se nourrir uniquement de ces griseries, et celui d'Emily s'épuisait dans ces vaines mises en scène, ce bric-à-brac de stratagèmes calamiteux qui finissaient par la navrer. Malgré sa bonne volonté, très sincère, Jeremy avait toujours eu pour sa femme ce goût aveugle et finalement égoïste qui ne cherche pas à pénétrer ce qu'est l'autre, cette sorte d'emportement délicieux qui fait aimer les jeux de l'amour plus que son objet.

Alexandre Jardin, L'île des gauchers


Les origines de l'île des gauchers

Le capitaine Renard rêvait de fonder une colonie où les rapports entre les hommes et les femmes seraient la colonne vertébrale de l'organisation sociale, le souci majeur au regard duquel toute règle collective serait arrêtée. Notre utopiste, grand lecteur de Fourier et de Proudhon, voulait établir un ordre social où l'attention aux choses de l'amour et la recherche de la tendresse se substitueraient à l'agressivité, à l'initiative personnelle, à l'émulation économique, à l'instinct de possession - mobiles habituels de notre civilisation. Renard était né gaucher dans un monde de droitiers ; jamais il ne s'était senti à son aise dans cet univers où rien n'était fait pour lui, où tout lui semblait à l'envers, les poignées de porte comme les espérances. Ses camarades rêvaient de trajectoires brillantes, honorables ; lui ne songeait qu'à aimer Hélène, sa femme, et à se préserver des calculs de la vie des carriéristes. Son entourage parisien raillait son goût pour le bonheur, se gaussait de ses naïvetés. Lui n'avait jamais vu d'élégance dans le fait de mariner dans ses désarrois, de s'y complaire en y découvrant une esthétique. Il croyait en la beauté d'un amour illimité, dans un milieu d'officiers républicains où il était de bon ton de sourire de ce genre de mièvrerie. Toujours il s'était senti en porte à faux, décalé. Parfois, il avait le sentiment d'être passé enfant à travers un miroir. Dans sa folie il en était venu à penser qu'un monde de gauchers serait peut-être un univers à l'endroit, et que seule une colonie de gauchers serait à même de jeter les bases d'une civilisation qui placerait l'amour au centre de l'existence. Dès 1884, Auguste Renard fonda la Société géographique des gauchers, à Paris, afin de rallier tous ceux que son utopie tentait. (...)

Ces gens différents espéraient bâtir une cité nouvelle ou l'on verrait un jour des rapports plus tendres entre les hommes et les femmes. Tous adhéraient à ce thème autour duquel s'annonçait la future vie gauchère des îliens.

Alexandre Jardin, L'île des gauchers


Lord Cigogne, amant droitier désenchanté

L'existence de droitier qu'il avait lui-même menée depuis sa sortie de la bibliothèque Blick lui sembla vaine, absurde. Son métier, le commerce mondain qui allait avec sa position d'aristocrate londonien, mille occupations artificielles avaient pris le pas sur sa vie amoureuse, l'avaient éloigné des seules interrogations qui comptent, celles qui touchent aux maladies qui minent les amours les plus fringantes. En s'accordant avec le monde des Mal-Aimés, il s'était enlisé dans un quotidien accaparé par ces prétendues activités inévitables, en oubliant de distinguer l'essentiel de l'ivraie.

A presque quarante ans, il y avait urgence à s'aimer. La seule réalité n'était-elle pas celle des sentiments ? Le reste ne faisait-il pas semblant d'exister ? Il lui fallait arrêter ses conneries, mettre un terme à toute la disconvenance qu'il voyait entre lui et l'Europe industrielle, s'arracher au monstrueux désenchantement des droitiers, quitter l'eau morte de son présent, appareiller pour cette civilisation peuplée d'êtres plus conscients d'eux-mêmes, cette île poétique qui lui semblait être sa vraie patrie. Cigogne se sentait dépossédé de sa vie dans cette Angleterre défigurée par la Grande Crise des années trente, au sein de cette société que ne soutenait aucun grand dessein. Il voulait piloter autrement sa destinée, convertir enfin sa passion pour Emily en un amour phénoménal, à plein temps et, là-bas, rencontrer vraiment sa femme. Cigogne avait toujours cru que les commencements de la séduction renfermaient le meilleur d'une liaison ; à présent il sentait toute la fausseté de cette croyance de jeune homme. L'amour était bien plus sublime que les vertiges limités d'une passion.

Il rêvait de se livrer, d'écouter Emily, de la pardonner, de la comprendre et de découvrir enfin ce que c'est que de vivre à deux, pour de vrai, et non côte à côte. Le secret de son propre plaisir n'est-il pas d'en donner ? En levant l'ancre pour le pays des Gauchers, Jeremy avait dans l'idée de partir à la découverte de sa femme, cette Mal-Aimée qu'il avait eu tant de difficulté à entourer de sa tendresse. Il en avait assez de frustrer celle qu'il aimait, de croupir dans ce rôle d'époux défaillant qui contredisait tous ses rêves et lui renvoyait de lui-même une image détestable. Jeremy Cigogne espérait soigner leur couple, se libérer là-bas des pièges qui en douce délitaient leur histoire, de ces mécanismes pervers qui tuent l'amour et jettent malgré soi dans l'adultère. Ces pièges sournois lui semblaient plus redoutables encore que la soi-disant usure due, paraît-il, à l'empilement des années de ronron conjugal.

Alexandre Jardin, L'île des gauchers


Vers le pays de l'amour vivable

En route vers cet avenir nettoyé de tout ce qui n'était pas leur couple, Emily songeait qu'elle avait été folle de se laisser reprendre par Cigogne. Cet infernal s'était toujours prélassé dans de belles intentions, mille fois répétées en vain. Mais cette fois-ci Jeremy paraissait dans des dispositions qu'elle ne lui avait jamais vues, prêt à rompre avec toutes les habitudes qu'il avait contractées en Angleterre, désireux d'accommoder la vie à leur amour, et non le contraire. En l'embarquant ainsi, ne venait-il pas de sacrifier pour elle son sanatorium singulier, cette entreprise qui avait été l'objet privilégié pe sa réflexion, de sa rage de découvreur, pendant plus de six ans ? Emily en demeurait étonnée. Dans l'automobile, l'enthousiasme de Cigogne éteignit ses dernières réticences.
- Tu verras, là-bas tout est différent !
Il ne se lassait pas de répéter qu'aimer était l'activité principale de ces Gauchers, leur première urgence. Un seul peuple sur terre avait ce projet comme thème central, et il l'avait déniché ! A l'entendre, tout ce qui n'avait pas trait à la vie du coeur était là-bas négligé, diminué, voire recalé. La passion de l'accumulation ? Evacuée sans regret ! Les jeux de l'arrivisme ? Extirpés du corps social ! La grande quête pénible de l'efficience économique ? Abolie ! Le coup de torchon ! Seules les ambitions amoureuses, les plus folles à vrai dire, étaient prioritaires, Toute la culture de ces îliens s'articulait autour de cette orientation pas désagréable. Un instant il se tut pour s'émerveiller de ce qu'Emily fût là, à ses côtés.
- My love, reprit Cigogne avec une jubilation qui défroissait ses traits, c'est dans ce pays que nous allons. Là où les hommes et les femmes savent bricoler leur passion pour en faire de l'amour, et du vrai, pas frelaté ! Le grand vertige à portée de main ! Fini le goût du trop peu ! La médiocrité de l'à-peu-près ! A nous les promesses tenues ! Les mirages enfin réels ! L'amour vivable !

Emily le regarda, ahurie par les naïvetés de cet homme de presque quarante ans, et charmée aussi qu'il se permît de tels élans, en bousculant sa retenue habituelle.

Alexandre Jardin, L'île des gauchers


Les jours blancs, à la rencontre de l'autre côté de soi

Comme tout un chacun, lord Cigogne avait au cours de son existence limité le champ de ses destinées potentielles en faisant des choix qui, de renoncements en décisions, l'avaient conduit à ne vivre qu'une petite partie de ce qu'il était, de ce que le monde proposait. Conscients de cela, et afin d'éviter que le mariage n'enfermât les couples dans un quotidien trop restreint, les compagnons du capitaine Renard avaient imaginé un rite, celui de se vêtir en blanc. A Port-Espérance, il suffisait de s'habiller ainsi pour signifier à sa femme, à ses enfants, à ses amis que l'on souhaitait vivre quelque temps pour soi, en se libérant provisoirement des engagements pris tout au long de l'existence. Dès lors, personne ne vous posait plus de questions ; vous pouviez aller et venir sans rendre de comptes à qui que ce fût. Dans la mesure du possible, les autres s'efforçaient de ne pas juger votre nouveau comportement ; et chacun s'attachait à jouer le jeu, car ce respect de l'autre était la garantie qu'à son tour on pourrait se livrer un jour à cette échappée, quand le besoin s'en ferait sentir, sans encourir les reproches de son époux, ou de son voisinage. (...)

Les femmes ne connaissaient-elles pas le même besoin de vivre pour elles ? Cette aspiration n'était-elle pas légitime, et noble ? Pourquoi fallait-il salir par le mensonge le besoin qu'a chaque être humain de découvrir l'étendue de son être, de voyager dans ses potentialités ? Aux yeux des Gauchers, s'habiller de blanc n'était pas le début de la honte, bien au contraire. A Port-Espérance, on y voyait une fête, le courage d'aller voir de l'autre côté de soi, une belle imprudence ; et si un homme ou une femme n'était jamais vu en blanc, ses connaissances et amis s'inquiétaient pour lui ou pour elle. Les jours blancs, comme on disait, étaient des jours où l'on essayait de se marier avec soi-même.
Certains Gauchers détournaient cet usage en s'habillant de blanc tout au long de leur vie ; on les plaignait, mais gentiment. Les Gauchers n'étaient jamais très sûrs d'avoir raison de blâmer autrui. En s'éloignant d'Emily Hall, Cigogne songea à l'un des profits des jours blancs, le principal aux yeux de sir Lawrence : ces temps de liberté permettaient de ne jamais trop en vouloir à sa femme ou à son époux, de ne pas regarder l'autre comme un frein à l'exploration de sa propre nature ; de là peut-être l'extraordinaire longévité et qualité des amours gauchères. Les ressentiments de cet ordre ne polluaient guère les couples héléniens. Par la grâce de cette coutume, le mariage avait cessé à Port-Espérance d'être une longue captivité. Et si les jours blancs faisaient naître des jalousies, parfois légitimes, les Gauchers y voyaient un piment salutaire, l'occasion de se livrer à d'autres jeux amoureux ou d'examiner les carences et les vices de son amour.

Alexandre Jardin, L'île des gauchers


Devenir un époux gaucher digne de ce nom...

Lord Cigogne demeurait silencieux, tirant sur un détestable cigare en feuilles d'igname. Cette nouvelle épreuve - qui s'ajoutait à celle du cigare - l'accablait et, un instant, il se mit à envier les droitiers, tous ces gens prudents d'Europe, d'Amérique et d'Asie qui avaient la sagesse de maintenir leurs épouses dans des vies réglées, à l'abri d'occasions trop nombreuses de cocufiage. Cigogne en avait assez des jours blancs, de l'île du Silence et de tous ces rites qui fatiguaient sa persévérance. Pour la première fois, il se sentait las d'être un mari ; son ambition épuisait sa capacité d'aimer. Comment pourrait-il, année après année, demeurer un époux sur cette île gauchère ? Le calendrier hélénien requérait trop des hommes ; jamais il ne tiendrait le choc, songea-t-il. Pauvre Cigogne ! Dans son inconscience, il ignorait encore qu'il n'avait parcouru qu'une petite partie du chemin qui ferait un jour de lui, s'il y parvenait, un mari digne de ce que ce mot promet. Mais où s'arrêtait cette route exténuante, parsemée de travaux que chaque année renouvelait ?

Egaré dans ses réflexions, Jeremy se mit pour la première fois à rêver de son existence prévisible de jadis, au charme discret de ses anciennes pantoufles écossaises, de la tranquillité avec laquelle il buvait autrefois son thé, dans son château du Gloucestershire. Il se sentait soudain nostalgique de cette Pax Britannica dont il avait joui lorsqu'il régnait encore sur son sanatorium de Kensington.

Alexandre Jardin, L'île des gauchers


Des bienfaits de l'intransigeance amoureuse

- Je passerai te prendre dans ton living-room à neuf heures ce soir, lui lança-t-il le soir du bal de clôture du mois libertin. Et il ajouta sans rire :
- Sois irrésistible, éclatante, sinon je ne sortirai pas avec toi, mais avec une autre qui le sera, voilà tout, darling. (...)
Lorsque lord Cigogne se présenta, à neuf heures, Emily eut un choc. Jeremy était dans une mise de gentleman - mais où s'était-il procuré cette jaquette coupée à merveille, cette cravate d'un goût exquis et ces souliers vernis ? -, une tenue qui n'appelait aucune réserve. Rasé de près, il était l'image même de la virilité forte et raffinée, d'un certain désir de plaire qui se ressentait dans toute sa personne, jusque dans l'élégance de ses boutons de manchette, sans que ce soin fût toutefois trop tapageur. Son regard se reporta sur Emily, détailla sa tenue, son visage ; puis Jeremy sourit et dit, avec une distinction très sûre :
- I'm sorry darling, mais c'est insuffisant !
Et il sortit sans ajouter un mot, sans avoir rien dit qu'il n'éprouvât comme vrai ; car il était exact qu'Emily n'était pas ce soir-là au sommet de son éclat. Vexée, elle se força à rire, lui lança que son procédé était un peu grossier et que sa tentative de manipulation manquait de finesse, d'habileté ; mais aucune réflexion ne put le fléchir. Il ne se retourna pas, monta sur son tilbury et partit seul, pour de bon.
Il l'avait fait ! (...)

Cigogne ne s'aimait pas d'être aussi chacal ; mais il savait que les amours meurent de négligence. Il leur fallait accepter cette violence-là, salvatrice, pour s'en trouver mieux, et pas qu'un peu ! Son intransigeance - qu'il s'imposait à lui-même - les protégeait de dérives qui les eussent l'un et l'autre chagrinés, les délivrait de la tentation d'aller aimer ailleurs. Jeremy demeurait en face d'elle avec l'espérance d'être ébloui, dans cette tension assez exaltée qui mettait en lui un peu de l'électricité que l'on trouve dans les romans. Emily goûtait étrangement les tourments dans lesquels elle mijotait, qu'il fût difficile d'avoir grâce aux yeux de l'homme qui les lui infligeait, et elle se délectait du pressentiment qu'y parvenir, un jour, serait une jouissance véritable, un concentré de toutes les euphories. Depuis qu'il la traitait ainsi, au lieu de ne la regarder que superficiellement, avec l'air distrait qu'il prenait jadis, Emily s'apercevait bien que Cigogne ne la frustrait que pour mieux la magnifier. Certes, il se montrait parfois odieux, la blessait ; mais alors même qu'il remettait sans cesse en cause l'éclat de sa chère féminité, elle trouvait dans sa vigilance une qualité et une intensité de regard qui la valorisaient diablement.

Le soir où elle réussit à vaincre ses réticences, lord Cigogne parut enfin heureux de son apparence ; et du bout de ses lèvres d'Anglais, en contenant son bel émerveillement, il se contenta de dire :
- Darling, je crois que nous pouvons aller dîner...
Fasciné par son aspect, il lui sourit et lui donna la main. A vrai dire, Emily n'était pas tellement plus jolie que les autres fois, ou mieux fardée ; mais ce soir-là, au-delà des séductions de surface, son visage avait ce quelque chose de vivant qui charme plus que tout et disqualifie les beautés plus évidentes. Sa physionomie mobile, ses regards vifs, inquiets et amusés reflétaient la vivacité de sa gourmandise à vivre, l'appétit généralisé qui l'animait. Ses cheveux aussi participaient à cette impression de mouvement qui flottait dans toute sa figure. Jamais Emily ne s'était sentie aussi précieuse dans les yeux d'un homme ; chaque détail de sa personne était soudain une manière de chef-d'oeuvre, digne d'une adoration attendue, conquise. Le désir énorme dont elle se voyait l'objet l'étourdit tout à fait, la jeta presque dans un vertige de pucelle. Combien d'épouses furent ainsi regardées par leur mari, avec cette ardeur, après quelque temps de vie partagée ?

Alexandre Jardin, L'île des gauchers

Visitez le site des gauchers, dont le titre est inspiré de ce roman : un site "folisophique", fou et audacieux pour changer le monde !

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