26 avril 2002 : pour la première fois de ma vie, je monte sur scène pour accomplir un "one man show". Le public : mon entourage (famille et amis), une centaine de personnes triées sur le volet... Manon est la seule personne de mon carnet d'adresses qui n'ait pas été invitée. Ce soir-là, en reprenant la trame d'un spectacle extraordinaire de Boujenah, je révèle à ceux que j'aime à quel point Manon a chamboulé mon existence et je leur annonce que je m'en vais en Afrique pour un an à la poursuite d'un rêve ! Des rires et des larmes, beaucoup d'amour et d'émotion pour une soirée inoubliable, un moment de vie d'une qualité exceptionnelle...
«Faire un malheur,
au théâtre,
c'est faire tout plein de petits bonheurs » (Coluche)
Scène 1 | Scène 2 | Scène 3 | Scène 4 | Scène 5
(Intro medley Michel Berger
:
"Quand on est ensemble" + "Pour me comprendre")
Quand
on est ensemble [ ![]() Y'a tant de gens qui ressemblent
à leur ombre |
Pour me
comprendre... [ ![]() Pour me comprendre, |
Pour me comprendre
Il faudrait la connaître mieux
Que je ne pourrais
Il faudrait l'aimer plus que moi
Et je vous dirais
Que je n'y crois vraiment pas
Pour me comprendre
Il faudrait avoir rencontré
L'amour le vrai
Vous comprenez le grand amour...
(Michel Berger)
Scène 1 : Gégé, l'ange gardien
(Intro musicale : Obispo
"Gagarine")
[ extrait mp3 - 171 Ko]
Gégé : Bonsoir !!!!!!!!
Vous croyez que je suis vivant comme vous, eh bien non... je suis pas vivant comme vous. Pour arriver ici, j'ai fait un voyage extraordinaire, j'ai sauté d'étoile en étoile, j'ai rebondi sur l'anneau de Saturne, j'ai dormi sur la constellation de Sirius... Ensuite j'ai rencontré le petit Prince sur son astéroïde, j'ai mangé sur la Grande Ourse et j'ai fait la sieste sur l'étoile du Berger !...
Je viens....uuuuuuuuh.....comme je viens de loin !! Je viens... de plus loin que le ciel et que les étoiles. Je viens... de plus loin que le soleil et que la lune, d'au delà de la vie et de la mort, je viens....... du paradis !!
(fin musique)
Non non, non non calmez-vous. C'est bien c'est bien. Non non c'est
gentil d'applaudir mais c'est pas la peine de trop applaudir au début. Parce que d'accord
je viens du paradis mais je ne suis pas le messie. Vous savez même pas qui je suis... En
plus je sens y'en a dans la salle qui se disent :
"Pfffff ! Celui là il veut nous faire croire qu'il vient du paradis ? Pffff ! Mais
si il vient du paradis çui-là... pourquoi il vole pas ?"
Eh bien ça messieurs dames il faut le demander au type qui m'a vendu ce que j'ai dans le
dos ! Je vais vous dire un truc, le type qui tient le magasin d'ailes, au paradis... c'est
un arnaqueur ! Il m'a dit "monsieur ces ailes c'est pas des ailes..."
Effectivement c'est pas des ailes ! C'est une idée d'ailes, c'est un croquis, c'est une
hypothèse, c'est une esquisse... C'est à dire, c'est comme si vous achetez une voiture
et qu'on vous donne la photo et les clés : bonne route ! Arnaqueur...
Avant, quant j'étais vivant, quand j'étais sur terre... je m'appelais Géronimo Lagadec. Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? C'est mon nom... En fait c'est pas mon vrai nom. Je m'appelle comme ça depuis le jour où j'ai lu un livre sur les statistiques sexuelles, qui disait que les Indiens étaient ceux qui avaient le pénis le plus long, et que les bretons étaient ceux qui savaient le mieux s'en servir. Alors moi, pour plaire aux filles, j'ai choisi comme nom : Géronimo Lagadec... Mais en fait tout le monde m'appelle Gégé.
Pour ceux qui me connaissent pas très bien, j'ai un trait de
caractère particulier : je suis..... lent. Mais très très lent ! C'est à dire ma vie
s'est écoulée lentement et le jour de ma mort il est arrivé avec une lenteur incroyable
! Le jour de ma mort je m'en souviendrai toute l'éternité. J'étais dans mon lit de
mort, y'avait toute ma famille autour de moi, on était 600, 650... Y'en avait partout
dans la chambre, dans les couloirs, dans les escaliers, et dans tout le quartier y'avait
la rumeur qui courait et qui disait "Géronimo Lagadec va mourir, Géronimo Lagadec
va mourir..." Et puis au milieu de cette foule je me souviendrai toujours de la voix
de Guigui qui me disait :
"Meurs ! Meurs, on n'en peut plus, meurs ! Meurs ou meurs pas, mais fais quelque
chose, reste pas entre les deux ! Fais quelque chose ! Ça fait six jours que tu es en
train de mourir, six jours ! On n'en peut plus ! Hier, hier, cinquième jour de ton
agonie, cinquième jour ! Cliniquement tu étais mort, tu étais mort ! A ce moment-là on
s'est dit : on va l'enterrer, on va pleurer, et on ira boire un coup... Et à ce
moment-là tu t'es réveillé et tu as dit "Je veux un café" ? C'est possible
ça ? Meurs, meurs, tu nous tues avec ta mort, meurs !"
Et moi je lui répondais toujours du fond de mon lit : "Attends !... Voilà je vais
mourir, voilà je meurs, j'agonise, je défaille, je succombe..." et pouf ! Je suis
mort.
Et quand je suis mort où est-ce que j'me suis arrivé ? Où est-ce que j'me suis arrivé, je vous le demande ? Au paradis. Parce que j'avais été très gentil. Et en arrivant au paradis, je suis allé directement... au secrétariat du paradis. J'ai dit voilà, je m'appelle Géronimo Lagadec, je viens de mourir, je voudrais mon petit coin de paradis...
Vous savez le petit coin de paradis, c'est le truc qu'on demande dans ses prières, même quand on y croit pas trop... Alors moi, dans mon petit coin de paradis, les Taliban ce serait un groupe de rock. Dans mon p'tit coin de paradis, Le Pen il vendrait des glaces aux p'tits arabes de Vaulx en Velin, et à la fin du marché, y'aurait le balayeur black qui viendrait vers lui et qui lui dirait "Ô, Jean-Malie ! Plépare-moi une glace au chocolat, Jean-Malie !" Dans mon p'tit coin de paradis, c'est la Palestine qui gagne la coupe du monde en battant Israël 3-0 en finale, et à la fin du match, ils vont tous se bourrer la gueule ensemble dans un bar ! Dans mon p'tit coin de paradis, le Sida ça serait un manège pour enfants, l'ANPE une gigantesque boîte de nuit en plein air... Un endroit très simple, où la connerie, la haine et l'intolérance n'existeraient pas...
Quand je lui ai dit ça le secrétaire du paradis il m'a dit "Mais vous êtes fou monsieur ! Vous êtes fou monsieur !" Vous savez pourquoi il sautait comme ça ? Parce que les ailes qu'il avait dans le dos il les avait achetées au même endroit que moi, voilà ! Il m'a dit si vous voulez rester au paradis il vous faudra travailler monsieur ! Je lui ai dit pourquoi voulez-vous que je travaille ? J'ai travaillé toute ma vie moi...
A ce moment-là j'ai aperçu Charles de Gaulle et Mao Tsé-Toung, ils étaient tous les deux dans l'herbe, et vous savez ce qu'ils faisaient ? Ils jouaient au cricket...C'est à dire ils foutaient rien. Je lui ai dit regardez monsieur, y'a Charles de Gaulle et Mao Tsé-Toung qui foutent rien, pourquoi voulez-vous que je travaille ?
Il m'a répondu "Mais vous êtes fou monsieur ! Charles de Gaulle et Mao Tsé-Toung c'est des grands héros ! Charles de Gaulle a sauvé la France, Mao Tsé-Toung a sauvé 800 millions de chinois ! Vous vous êtes un petit courant d'air, si quelqu'un ferme la fenêtre vous êtes foutus"
Alors comme travail il m'a proposé vous savez quoi ? Professeur de guitare. Voilà comment s'est passé ma première leçon... qui a aussi été la dernière d'ailleurs !
« Bonjour, je suis votre nouveau professeur de guitare. Je vais mettre les choses au clair tout de suite, je ne joue pas de la guitare classique. Je ne joue pas du Flamenco. Je joue de la guitare sommaire. Je suis professeur de guitare sommaire. Je ne suis pas ici pour vous distraire, mais pour instruire. Maintenant, s'il y en a que ça amuse de rire, je peux aussi distraire... Je peux instruire en "distraisant"... treize ans et demi maximum...
Assez ri : première leçon. Une guitare est un instrument en forme de guitare... qui comporte six cordes. Si l'on partage la guitare en deux par le milieu (ce qui n'est pas à conseiller) on obtient deux moitiés de guitare avec 3 cordes d'un côté et 3 cordes de l'autre. Ces 3 cordes du haut s'appellent par conséquent les basses... en guitare "classique" ! En guitare "sommaire" on ne les appelle pas : on les ignore !
Les deux accords : en guitare sommaire, nous avons
deux accords. C'est beaucoup... Ce n'est pas trop. La difficulté vient du fait qu'il ne
faut pas toucher les autres cordes quand on joue. Pour cela : ne tripotons pas la guitare
avec tous les doigts... Pour effectuer ces deux accords, nous allons utiliser le pouce
(mais tout le monde sait bien que pouce, ça ne compte pas ah ! ah !) et l'index.
Avec l'index, nous viendrons appuyer sur les cordes à proximité, c'est-à-dire... pas
trop loin. Soit sur cette corde-ci (que nous appellerons la corde "si"), soit
sur cette corde-là (que nous appellerons donc la corde "la") et nous
obtiendrons les deux accords suivants : bling ! et blang ! C'est très facile : bling !
C'est facile mais il ne faut pas toucher la corde à côté... Bling ! Blang !
Alors, devoirs pour la semaine prochaine : dix lignes de Bling et dix lignes de Blang...»
[d'après Boby Lapointe, "guitare sommaire"]
Bon, la guitare c'était pas trop mon truc alors vous savez ce que j'ai pris comme métier ? J'ai pris ange gardien... Oui, ça ça me plaisait beaucoup ange gardien. Moi je croyais que c'était simple mais en fait c'est très compliqué, y'a plein de stages à faire. Y'a des stages où on apprend à passer du visible à l'invisible. Une fois je suis resté coincé entre les deux ils ont été obligés d'appeler la dépanneuse ! Y'a aussi des stages où on apprend à se transformer en n'importe quoi, c'est les stages de camouflage : en plat cuisiné, en dromadaire, en femme... moi j'ai beaucoup de mal pour me transformer en femme, j'arrive pas à cerner le mystère de la personnalité féminine...
Et puis quand on a fini les stages, on passe le code au paradis et après, on vient passer la conduite ici, sur terre ! Moi c'est ma première mission. Alors pour trouver sa première mission, on va au bureau des dossiers. Pour trouver le dossier de son protégé. Alors je suis arrivé au bureau de dossiers, j'ai dit "bonjour monsieur, j'ai fini mon stage, je veux mon dossier..." Le type il a pris le dossier et il me l'a tendu en faisant "aha, aha,aahaa...." J'ai pas compris d'abord. J'ai compris après pourquoi. Parce que le dossier qu'on m'avait confié, il était tellement pourri que y'avait pas écrit dossier sur le dossier... Y'avait écrit "Yahaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!! Au secours !" Il était pourri, complètement pourri...
Taisez-vous... il va arriver mon protégé... Comment vous dire ? Le jeune homme qui va rentrer sur cette scène, il est tellement désespéré que si un jour il va au mur des Lamentations à Jérusalem, il dit "bonjour" le mur y s'écroule !
Taisez-vous... En plus vous allez voir il me déteste... il me déteste ! Il veut se séparer de moi, il pourrait parce que y'a un secret mais il trouvera jamais le secret. Parce que c'est un âne bâté... c'est un abruti... Je sais pas si vous comprenez bien, mais moi à lui je dois lui expliquer le chemin du bonheur ! Je sais même pas où ça se trouve le chemin ! Le sentier à la rigueur, je peux demander aux Benitah mais le chemin je connais pas !...
Taisez-vous ! Mesdames et messieurs, cher public, tout le monde... couvrez-vous ! Un vent de connerie va déferler sur cette salle... le voilà !
(Lancement musique Aznavour
"Mourir d'aimer")
[ extrait mp3 - 172 Ko]
(Entrée en scène de Cy-real en clown, fin musique)
Cy-real :
Comme tous les soirs je joue
lartiste
Je déroule mon show sur la piste
Et je secoue mon âme triste
Comme tous les soirs je fais semblant
Je simule sans rire vraiment
Je dissimule et puis je mens
Comme tous les soirs les enfants rient
Mais même leur joie ne me suffit
Il manque une flamme dans ma vie
Hélas personne ne sait jamais
Quun nez rouge est lourd à porter
Quun clown est seul à en crever
Et quà chaque sortie de scène
Je ne retrouve que ma peine
Je suis si loin de celle que jaime
[Cy-real, "clown triste"]
(retour en scène de Gégé)
Gégé : J't'en prie arrête, arrête, arrête j'en peux plus !!! Ça va pas, tu veux les faire fuir ? T'es fou, y'en a qui viennent de loin !
Cy-real : mais t'es là toi ? Qu'est-ce tu fais là ? T'avais dit que tu viendrais pas au théâtre ! Comment ça se fait que tu sois là ? Comment ça se fait ?
Gégé : mais heureusement que j'interviens. Heureusement ! Parce que tu as vu l'entrée que tu viens de faire ? C'est à dire même comme sortie c'est pas valable !
Cy-real : J'te déteste Gégé, j'te déteste. A mon avis, tu viens pas, tu viens pas du paradis, tu viens de l'enfer ! Parce que t'as pas le profil d'un mec qui vient du paradis ! C'que j'veux dire c'est qu'avec la tête que tu as ça m'étonne qu'on t'ait laissé rentrer à l'intérieur du paradis !
Gégé : Ah oui ? Tu veux que je te dise ? Toi avec la gueule que tu as, même dehors on devrait pas te laisser rentrer !
Cy-real : Et vous vous êtes avec lui ? Vous croyez vraiment que Géronimo Lagadec c'est mon ange gardien ? C'est pas mon ange gardien ! C'est mon ange exterminateur !
J'vais vous raconter, y'a très longtemps, j'avais rendez-vous avec une fille. Mais alors y'a très très longtemps... Parce qu'il faut que je vous dise, j'ai jamais rendez-vous avec les filles. Jamais. J'y arrive pas ! Bon. C'est à dire que pour avoir ce rendez-vous avec cette fille, bah j'avais ramé, bah j'avais ramé... J'avais des bras comme ça ! J'étais descendu du bateau... je le poussais, je le poussais le bateau. Bon. C'est à dire, pour l'avoir ce rendez-vous j'avais mis au point une stratégie je vous raconte pas. C'est à dire, quand je passais devant elle dans la rue je faisais "waaahhhhhaaaaaaaaa !!!"... et je partais. Le soir j'appelais chez elle en pleine nuit et je disais "allô c'est moi waaahhhaaa !!"... et je raccrochais. A la fin... elle m'a donné le rendez-vous, elle m'a donné.
Et pendant tous ces mois à attendre ce rendez-vous, je me suis entraîné pour m'habiller. Oui, parce que je voulais m'habiller de toutes les couleurs. Parce qu'on avait rendez-vous dans un endroit public, elle pouvait pas me rater, elle pouvait pas... J'étais beau, on aurait dit le drapeau du monde entier. J'étais comme un p'tit oiseau qui est tombé du nid, et qui découvre par accident qu'il sait voler. J'étais heureux.... J'étais un miracle. J'étais là, au rendez-vous avec mon destin sentimental. A ce moment-là, Gégé est apparu et...
Gégé : mais je sais très bien ce que j't'ai dit. Je suis sorti de l'invisible et je t'ai dit : je suis sûr qu'elle est moche. J'suis sûr qu'elle a un gros nez, des grandes oreilles, des poils partout et des gros bras. J'suis sûr qu'elle va arriver et elle va demander "une banane, une banane, vous avez pas une banane ? ou alors éventuellement une cacahuète, une cacahuète, vous avez pas une cacahuète ?"
Cy-real : Pas du tout ! Tu sais très bien qu'elle est très belle ! Alors arrête de te moquer !
Gégé : Et alors elle est très belle ? Et alors au vient au rendez-vous, et alors elle passe une soirée formidable avec toi et à la fin elle décide de t'embrasser sur la bouche. Et ça lui plaît énormément, alors vous décidez de vous revoir. Elle te revoit une fois, deux fois et au bout de quelques temps elle décide de faire l'amour avec toi. Ça lui plaît, ça te plaît alors vous décidez de recommencer. Vous faites l'amour une fois deux fois, et puis vous faites l'amour tout le temps, toute la journée, alors vous décidez de vivre en concubinage. Vous vivez en concubinage un an, vous vous présentez vos parents respectifs, vos parents respectifs se plaisent énormément alors vous décidez la date du mariage. Vous êtes très heureux pendant deux-trois ans, vous avez deux enfants, vous êtes très heureux mais au bout de quatre ans elle va se rendre compte qu'elle a épousé un abruti, parce que t'es un abruti et que t'es pas prêt du tout pour une histoire d'amour !!
Alors elle va commencer à avoir des migraines et à se coucher avant toi ou après toi, et ça tu vas mal le supporter, vous allez commencer à vous disputer - tout doucement au début sans réveiller les enfants ! et puis à midi devant les enfants vous allez vous jetez les assiettes à la figure, ça va être une horreur, et puis vous allez décidez la date du divorce, parce qu'il va y avoir le divorce, le procès, et tout le monde va en parler dans l'immeuble, et qui va garder la télévision, les enfants, les petites cuillères... c'est une horreur elle est moche elle est moche elle est moche elle est moche !!...............
Cy-real : vous savez dans quel état j'étais quand la fille elle est arrivée ? La fille elle est arrivée j'ai fait "T'es moche !!!!!!!! Fous le camp, j'te déteste ! Et puis tu peux t'les garder les petites cuillères en travers de la gueule... Rentre chez ta mère !..."
Est-ce que vous vous rendez compte que moi j'étais dans cet état-là à cause de lui ? Et vous croyez que c'est mon ange gardien ?
Gégé : Mais y'a une chose qui vous dit pas messieurs dames, c'est que cette jeune femme elle venait au rendez-vous pour lui dire mais arrête, arrête avec tes coups de fils anonymes ! Arrête, je te déteste ! Je t'ai sauvé ce jour-là...
Cy-real : Tu vas voir Gégé, tu vas voir...
Gégé : Tu peux pas me tuer : je suis déjà mort...
Cy-real : Alors tant pis pour toi... tant pis !
Gégé : Non ! Ne fais pas ça ! Si tu fais ça je suis obligé de remonter au paradis et je serai prof de guitare ! Ne fais pas ça...
Cy-real : Alors laisse moi tranquille, laisse-moi.
Gégé : Très bien, je te laisse tranquille. Mais dis-moi, le poème que tu as lu au départ en rentrant, tu l'as écrit pour qui ?
Cy-real : ben, pour la femme de ma vie !
Gégé : Ah bon ? Et tu l'as rencontrée la femme de ta vie ?
Cy-real : ben non ! C'est ça le truc ! Quand je vais rencontrer la femme de ma vie, je vais lui lire ce poème, et elle va me tomber dans les bras !
Gégé : Non non mais c'est à dire c'est très très grave... Non, ton cas est très grave. C'est une catastrophe... Les poèmes, on les écrit pour les femmes quand elles nous quittent, à la rigueur quand on les rencontre, mais jamais avant, jamais avant... Tu fais tout à l'envers ! Tu digères avant de manger, tu dors avant de te coucher... Tu crèves, avant de vivre. T'es pathétique... Tu me fais penser à un personnage de conte de fées.
Cy-real : Ah bon ? Moi je te fais penser à un personnage de conte de fées ? Parce que vous croyez aux contes de fées, vous ? Vous croyez aux contes de fées ? Ben c'est grave si vous croyez aux contes de fées !
Moi j'vais vous dire, si je suis dans un conte de fées, la femme de ma vie c'est la Belle au Bois Dormant ! Elle est quelque part dans un château va savoir où, avec un immense dragon qui la protège !
Gégé : Non mais c'est très très grave... A mon avis toi il faut pas t'emmener à l'hôpital psychiatrique : l'hôpital il faut le reconstruire autour de toi, c'est la seule solution ! Mais t'as pas compris ? T'as pas compris que les dragons ils n'existent pas ? Ils n'existent que quand on n'est pas amoureux... Et si un jour t'es un peu amoureux d'une femme, eh bien le dragon il devient plus petit... Et puis si un jour tu aimes vraiment une femme, eh bien le dragon il disparaît complètement... T'as compris ? Abruti... Ane bâté que tu es... Allez, continue ton spectacle.
Cy-real : Non, J'continuerai pas. J'ai pas envie de continuer, j'm'arrête... J'me sens pas bien, alors j'vais m'arrêter.
Gégé : Ça va pas ? Ça fait à peine une demi-heure, c'est du vol ! C'est pour ça que t'as fait déplacer tout ce monde ? Faut que tu continues !
Cy-real : Non, je me sens pas bien dans ma peau alors je m'arrête !
Gégé : Ah non, c'est très grave ça... C'est à dire, tu te sens pas bien dans ta peau, alors nous on êtes tous des médecins, tu vas nous raconter tes problèmes ! C'est intéressant, ça ! Ils vont être contents les gens !
Scène 3 : Les aveux de Cy-real
Cy-real : J'vous ai menti tout à l'heure, j'vous ai menti... Quand j'vous ai dit qu'j'avais écrit un poème pour une fille que je connaissais pas... Cette fille elle existe... elle existe... J'ai même vécu avec elle une histoire extraordinaire...
Dans le moulin de ma solitude, elle entrait comme l'aurore, elle avançait comme le feu. Elle allait dans mon âme comme un fleuve en crue, et ses rires inondaient toutes mes terres. Quand je rentrais en moi, je n'y retrouvais rien : là où tout était sombre, un grand soleil tournait. Une femme si menue, qui prenait tant de place : je n'en revenais pas.
Je la reconnaissais. Elle était l'espérance de grandes choses. Elle était la beauté de chaque jour. Elle m'enlevait la sagesse qui est pire que la mort. Elle me donnait la fièvre qui est la vraie santé. Elle était la vie même, du froissé de ses robes au tremblé de ses rires.
Elle était comme un moineau sautillant dans mon coeur. J'apprenais les manières des grands arbres. Le moindre écart et elle s'envolait jusqu'à ce ciel en elle, inaccessible.
Et puis elle est partie. Ce n'était pas trahir. C'était suivre le même chemin en elle, simple dans ses détours. Elle emportait avec elle la petite robe de neige. Elle ne dansait plus dans ma vie. Elle ne tournait plus dans mes rêves. Elle flottait sous mes paupières lorsque je les fermais pour m'endormir, juste là : entre l'oeil et le monde.
Elle n'est pas cause de ma solitude. Elle dormait en moi bien avant elle. Elle est celle qui - pour l'avoir éveillée - lui ressemble le plus.
[d'après Christian Bobin, extrait de "une petite robe de fête"]
Ah, si tu l'avais connue Gégé, si tu l'avais connue... Elle a juste pris le temps de me verser dans l'esprit assez de rêves pour réveiller mon existence, et puis elle m'a laissé seul avec ma nouvelle joie de vivre. Depuis elle, tout est plus grand, plus beau, plus fort... La vie est belle ! C'est mon Amélie Poulain, elle a changé ma vie...
Mais depuis elle aussi, je vis avec ce manque. Quand je souris, il manque un bout de mon sourire ! Quand je suis heureux, mon bonheur est jamais complet... J'ai du vide à l'intérieur, et j'en peux plus de faire semblant...
J'veux plus vivre comme ça... j'veux plus vivre comme ça ! J'veux plus vivre en faisant semblant... J'veux pas vivre comme cette femme que je connais qui fait croire depuis des années à son mari qu'il la rend heureuse alors que c'est pas vrai, c'est pas vrai !
J'veux pas vivre comme ma voisine de palier qui dit à tout le monde que la solitude c'est beau, alors que tous les soirs elle boit, et elle pleure dans sa salle de bains - moi j'l'entends !
... J'veux pas vivre comme cet homme qui pense que dire je t'aime à son fils c'est une preuve de faiblesse ; et son fils il attend qu'une seule chose depuis des années, c'est que son père lui dise tout simplement : "Mon fils... je t'aime"...
J'sais pas, vous en avez pas marre vous des fois ?
Vous en avez pas marre de faire semblant ? Y'a pas des gens que vous croisez depuis des
années, tous les matins le type il te fait "bonjour comment ça va",
et toi tu réponds "ça va", alors que lui il s'en fout, toi tu t'en
fous et tout le monde s'en fout ! C'est à dire si demain tu crèves le type il passe
devant toi il va dire "Qui c'était ? je connais pas !"
T'as pas envie de dire une fois la vérité ? Une seule fois de dire la vérité ! Le type
il arrive le matin, il te dit "bonjour comment ça va ", t'y arraches
ton masque et tu lui fais :
- "J'T'EMMERDE !... Je t'emmmmmerde !"...
Je m'excuse... Je sais, j'ai été trop loin... C'est juste que j'ai la trouille de vieillir, il paraît que je vais avoir trente ans civilement... Mais je me sens pas dans la peau d'un mec de trente ans !
Dans mon jeune temps, du temps qu'j'étais
petit
Je voulais pas grandir trop vite
Devenir sérieux, parler d'argent
J'étais heureux dans mon jeune temps
Dans mon jeune temps, j'croyais qu'l'amour
C'était gratuit et pour toujours
Et j'trouvais pas ça important
De dire "je t'aime" à mes parents
Dans mon jeune temps, j'comprenais pas
C'que voulait dire "mélancolie"
J'croyais qu'y avait des mots comme ça
Qui étaient là juste pour faire joli
Dans mon jeune temps, j'croyais qu'la vie
C'était très long, mais j'ai grandi
Et voilà que j'ai l'impression
De manquer d'jours et de saisons...
Voilà que j'parle comme les vieux
Avec des larmes plein les yeux
De mon histoire, de ma carrière
Et de tout c'que j'ai pas pu faire...
[extrait de Linda Lemay "dans mon jeune temps"]
Je veux pas vieillir, j'ai l'impression d'avoir encore tant de choses à vivre... Tant de choses à vivre ! Je veux vivre sans me hâter, vivre intensément, sucer toute la moelle secrète de la vie ! Je veux chasser tout ce qui dénature la vie pour ne pas, au soir de la vieillesse, découvrir que je n'ai pas vécu... Ah, être plusieurs fois soi-même, se réinventer, se rénover de façon éclatante !
Mais il manque quelque chose au fond de moi, un
sourire, un parfum, petit je ne sais quoi... (© Absolut !)
J'ai besoin de vivre quelque chose de très grand que je ne peux pas vivre ici... j'ai
envie d'un grand voyage... Je vais partir Gégé, je dois partir...
Gégé : Partir ? Comment ça partir ? Partir où ?!
Cy-real :
Partir !
Aller n'importe où, vers le ciel ou vers la mer, vers la montagne ou vers la plaine !
Partir !
Aller n'importe où, vers le travail, vers la beauté ou vers l'amour !
Mais que ce soit avec une âme pleine de rêves
et de lumières, avec une âme pleine de bonté, de force et de pardon !
S'habiller de courage et d'espoir, et partir, malgré les matins glacés, les midis de
feu, les soirs sans étoiles, raccommoder, s'il le faut, nos coeurs comme des voiles
trouées, arrachées au mât des bateaux, mais partir ! Aller n'importe où et malgré
tout !
... accomplir une oeuvre !
Et que l'oeuvre choisie soit belle, et qu'on y mette tout son coeur, et qu'on lui donne
toute sa vie.
[Cécile Chabot, extrait de Poésie Manège d'étoiles]
J'ai décidé de partir en Afrique pendant quelques mois, un an peut-être, mon coeur m'entraîne là-bas Gégé...
Gégé : En Afrique ? Mais t'es fou c'est super loin... Y'a des maladies ! Il fait chaud... et puis y'a des noirs là-bas !...
Cy-real : Oui je sais mais...
Toute cette Afrique reste formidable à visiter elle nest peut-être pas spectaculaire elle est difficile elle est pénible, dangereuse. Mais on y rencontre des gens, tout au long de ces routes, extraordinaires de gentillesse, de dévouement pour vous Ils nont pas grand chose à vous donner Si ce nest pas du tourisme, cest un voyage comme on rêve tous den faire un jour Jaime ces voyages cela relativise tous les problèmes. La vie est différente, le temps nest plus le même Quand on est amoureux, on est encore plus amoureux, quand on est malheureux, on est moins malheureux Il y a toujours quelque part ce bonheur du voyage
[D'après Raymond Depardon]
Et puis là-bas, tout est neuf, tout est...
(musique Goldman "Là-bas")
[
extrait mp3 - 66 Ko]
Tout est neuf et tout est sauvage
Libre continent sans grillage
Beau comme on n'imagine pas
Ici même nos rêves sont étroits
C'est pour ça que j'irai là-bas
On ne m'a pas laissé le choix
Je me perds si je reste là
C'est pour ça que j'irai là-bas...
Gégé : Ah ben ça c'est la meilleure... Monsieur pique sa crise à la Cantona, "si c'est ça je m'en vais"... Un an en Afrique... Et tu vas faire quoi là-bas ?
Cy-real :
(musique Martin Circus "Je m'éclate
au Sénégal")
[ extrait mp3 - 88 Ko]
Tous les samedis j'vais danser à
Pigalle
Mais j'crois bien que je vais me faire la malle
Dans un pays où chantent les cigales
J'vais aller m'éclater au Sénégal !...
Je vais me faire des tas de copines... de ch'val
Et j'irai prendre un bain de minuit... à poil sous la lune
Je danserai au son des tam-tams woodstock...
Gégé : Ben voyons, les tam-tams, à poil sous la lune...? Pourquoi, pourquoi tu veux aller là-bas, pourquoi ? Qu'est ce tu veux aller chercher là-bas ?
Cy-real :
(musique Pagny "Terre")
[
extrait mp3 - 207 Ko]
La route s'arrête devant l'océan
Dans l'aube tiède du levant
C'est l'ultime escale, la fin de l'errance
Avant que j'ose le silence
Ici, la nuit
me ramène à qui je suis
Cette douceur, chaleur
me renvoient dans une autre vie
Je commence à comprendre...
Je connais ces terres,
j'ai foulé ces pierres
J'y suis déjà venu
et j'y ai vécu
Une sensation franche,
cette lumière blanche
j'ai enfin trouvé
la paix que je cherchais
La paix que je cherchais...
Je dois y aller maintenant... Je m'en vais...
(sortie de scène de Cy-real, rappel de Gégé qui interpelle le public)
Gégé : Non non c'est bien c'est bien... Et y'en a qui applaudissent en plus, on se sent soutenu ! J'vais trouver la solution... La situation est compliquée mais on va s'en sortir, c'est mon boulot, je suis l'ange gardien. D'abord toi viens ici, et donne-moi la main.
Cy-real : Non, je m'en vais, je donne pas la main...
Gégé : Fais pas l'idiot, donne-moi la main, donne-la moi... donne-la moi... voilà, c'est bien. T'as pas compris qu'on peut tout dire aux gens qu'on aime ? Même quand ça va mal... Mais au lieu d'écrire des poèmes à faire pleurer tout le monde, chante ! Cette fille que tu as aimé, là, tu pourrais lui chanter par exemple...
Bon ne vous moquez pas, je n'ai appris que la guitare sommaire et je vais tenter de vous jouer un morceau de guitare classique alors... indulgence !
(Gégé à la guitare !)
«Ça va pas changer le monde
Que tu changes de maison
Il va continuer le monde
Et il aura bien raison
Les poussières d'une étoile
C'est ça qui fait briller la voie lactée
On s'est aimé, n'en parlons plus
Et la vie continue...»
[Joe Dassin, "ça va pas changer le monde"]
Vous avez envie de chanter ? On va se la faire tous ensemble... (Mise en scène avec les 8
panneaux... [ |
![]() |
Gégé : Regarde, regarde comme on s'amuse... On va tous très mal, on a tous des problèmes, et pourtant on rit, regarde comme on s'amuse, et regarde comme on rit, regarde-les tous...
Cy-real : Mais c'est ça que j'comprends pas, c'est ça que j'comprends pas... Comment vous faites pour rire alors que tout va mal ?
Gégé : Mais t'as pas compris qu'on rit parce que ça va mal ! C'est à dire si on faisait comme toi y'a longtemps qu'on se serait tué, y'a très longtemps !
Cy-real : Mais justement, c'est ça que j'comprends pas...
Gégé : Mais j'vais t'expliquer : est-ce qu'il y a une chose plus merveilleuse au monde que le rire ? Je crois pas. On dit : j'ai compris que tu m'aimais le jour où tu m'as souri pour la première fois... souris-moi encore, souris-moi. On dit que même quand un méchant il sourit, y'a quelque chose de gentil qui vient se poser sur son visage, parce que c'est son enfance qui remonte, et qui remonte... T'as compris, âne bâté ? Abruti que tu es...
Maintenant est-ce que tu peux m'expliquer pourquoi tu vas si mal ? Est-ce que tu peux m'expliquer pourquoi tu vas si mal ? Parce que tu pleures sur toi depuis le début de la soirée... Mais alors que tu pleures sur toi c'est pas grave, ce qui est grave c'est que tu nous mouilles aussi avec ton désespoir ! Fallait dire au public de venir avec des palmes !
Cy-real : Mais t'as pas compris que je vais mal parce que je suis seul Gégé ? Que j'vais mal parce que je suis pas amoureux ? J'suis seul, tu comprends pas ? Seul c'est dur pas quand on est triste, mais quand on est content, parce qu'on sait pas avec qui partager tout ça ! Des fois j'suis chez moi, j'me dis : j'suis content !... Youpi !... Et puis quand t'es seul, t'en as marre d'entendre les gens autour de toi te dire : "mais t'es seul ? T'es toujours tout seul ? T'as pas une fiancée, une p'tite amie, tu veux qu'on t'en présente une ?"
Des fois j'suis tellement seul que j'rencontre une femme. Je l'aime pas, je l'aime pas, mais j'la trouve gentille... Alors je me force, je me force à tomber amoureux. Je me dis : je l'aime, je l'aime, tu l'aimes, tu l'aimes, tu vas l'aimer, t'es amoureux, t'es amoureux d'elle, tu vas être comme tout le monde, tu vas avoir une vie régulière, 8h-midi, 2h-6h, "bonsoir chérie, où sont les enfants , tu vois Edmond j'suis plus tout seul, j'suis avec une femme..."
Moi j'l'attends la femme de ma vie, j'en peux plus d'l'attendre la femme de ma vie ! J'vais vous dire, le jour où elle va arriver la femme de ma vie, j'vais la prendre comme ça... et j'vais lui mettre une raclée d'enfer ! J'vais lui dire "mais où qu't'étais, qu'est-ce tu foutais ?!?" Je sais pas si vous vous rendez compte mais si ça se trouve la femme de ma vie en ce moment elle est avec un autre type, un autre type, et à ce gars elle lui dit qu'elle l'aime - et l'abruti il la croit ! Alors que c'est pas vrai, c'est moi qu'elle aime. C'est moi qu'elle aime ! Est-ce que vous vous rendez compte que j'suis cocu avant de la rencontrer ??
Tu comprends Gégé j'ai pas envie d'finir ma vie tout seul... J'ai envie d'avoir une femme, j'ai envie d'avoir des enfants, j'ai pas envie de me regarder dans une glace à 70 ans et de me rendre compte que derrière moi y'a personne. J'ai envie d'entendre des voix qui me disent : "Pépé, tu viens jouer avec nous ? Allez viens jouer avec nous, regarde on a fait brûler la maison d'en face c'est super allez viens !..." Tu comprends Gégé ?
Gégé : Non non c'est à dire ce qui est grave, c'est que toi, le seul problème que tu as dans la vie c'est de rencontrer une femme ? Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec toi, qu'est-ce que tu veux que je fasse ?...
Cy-real : Je sais pas Gégé, je sais pas ce que tu vas faire avec moi...
Gégé : Ecoute, je sais pas si tu es capable d'aimer une femme, mais est-ce que tu veux savoir si tu es capable de tomber amoureux d'une femme ?
Cy-real : Oui Gégé, apprends-moi !
Gégé : Alors mets-toi là, et ferme les yeux.
Cy-real : Voilà, je suis là. Apprends-moi, apprends-moi Gégé.
Gégé : Bon, alors voilà. T'es dans la rue. Ou dans le hall d'un hôtel ou dans le métro, l'endroit, le lieu, l'heure n'ont aucune espèce d'importance. Ce jour-là tu marches dans la rue, tu penses à rien. Tu penses simplement aux nouvelles chaussures que tu viens d'acheter - et qui te font mal aux pieds... Alors tu les regardes et les lacets se sont défaits. Tu te penches pour les refaire, et c'est quand tu te relèves que tu t'aperçois que tout a changé. Envoie, envoie les violons.
(lancement musique violons
"Forrest Gump")
[ extrait mp3 - 317 Ko]
Tout a changé. Au début, c'est étrange, parce que tu la vois pas, et puis tout d'un coup elle est là, devant toi, à cent mètres. Oh y'a du monde dans la rue, mais t'as l'impression qu'elle est éclairée par le soleil, même si il pleut. Elle est là, tu trembles... T'aimerais partir, mais ton corps ne bouge pas. Tu la vois, et tu sais qu'elle te voit. Comment tu te sens ?
Cy-real : Très très bien. Continue Gégé, très bien, j'la vois, continue.
Gégé : Bien. Mets plus fort les violons ! Maintenant, elle marche vers toi doucement. Elle est à cinquante mètres. Tu te dis "pourquoi elle ?" A cause de la finesse de son poignet, à cause de la couleur de ses yeux, à cause de ses cheveux ou de ses vêtements, personne ne pourrait le dire. Et tu te demandes "pourquoi moi, pourquoi ?"
Elle est à dix mètres de toi. Vous vous regardez, et vos yeux se touchent. T'es en train de tomber amoureux d'une femme et elle, elle est en train de tomber amoureuse de toi. C'est ici, et maintenant, c'est toi, et c'est elle. Comment tu te sens ?
Cy-real : Très très très très très bien ! T'arrête pas, continue, que j'la vois, t'arrête pas, continue !
Gégé : Elle est à trois mètres de toi. Plus fort les violons ! Puis à deux mètres. Elle est maintenant à cinquante centimètres, tu peux sentir la force de son souffle sur ton visage... Elle incline la tête doucement, elle va t'embrasser sur la bouche... Une femme qui est amoureuse de toi va t'embrasser sur la bouche ! Plus fort les violons ! Plus que deux centimètres, plus qu'un demi-centimètre, puis un quart de micron de millième de centimètre, elle va t'embrasser... ARRÊTE TOUT !
Cy-real : NON ! Non, non, j'allais l'embrasser, pourquoi encore ? Pourquoi ça s'arrête toujours au moment où je vais embrasser, pourquoi ?
Gégé : Parce qu'elle existe pas, elle existe pas, t'as pas compris ça ? Elle existe que dans ta tête. Si tu m'avais dit "Gégé, je vois rien, je sens rien" alors je t'aurais dit c'est tant pis pour toi, jamais t'aimeras une femme. Mais là tu l'as vue alors qu'elle existait pas, ça veut dire que tu peux tomber amoureux, tu peux.
Voilà messieurs-dames, je sais pas si j'ai rempli ma mission, je sais pas si un jour il va rencontrer la femme de sa vie mais au moins je sais une chose : c'est qu'il tombera amoureux, parce qu'il peut. Voilà, ça m'a fait plaisir de vous voir, j'ai encore beaucoup de travail avec lui. Il est temps qu'on s'en aille, et vous aussi... Au revoir...
(sortie de scène de Gégé, rappel de Cy-real qui interpelle le public)
Cy-real : Mais ça va pas ? Mais ça va pas ou quoi ? C'est à dire lui il vous dit que c'est la fin alors vous le croyez ?
Gégé : Mais pourquoi, pourquoi tu casses la fin ? C'était une belle fin, tout le monde avait applaudi, tout le public croyait que tu pouvais tomber amoureux - alors que t'as aucune chance ! T'es un âne bâté, t'es un abruti, comment tu peux tomber amoureux ? Même au zoo personne tomberait amoureux de toi t'as pas compris ça ?
Cy-real : Je m'en fous de tomber amoureux ou pas, je m'en fous Gégé... Tu comprends pas Gégé qu'avant de rencontrer la femme de ma vie, il faut d'abord que je me débarrasse de toi ! Parce que je suis jamais tout seul, t'es tout le temps là ! J'ai trouvé ton secret Gégé, regarde, regarde ce parchemin...
Gégé : Qu'est-ce que c'est ce parchemin ? D'où tu l'as sorti ?
Cy-real : Ce parchemin Gégé c'est ton secret : tout c'que tu fais, tout c'que tu penses est écrit sur ce parchemin. Si je brûle ce parchemin eh ben tu vas disparaître Gégé...
Gégé : Ne touche pas aux textes c'est sacré les textes !
Cy-real : J'suis désolé Gégé, mais il faut que tu partes... Adieu Gégé... Adieu...
(lancement musique violons
"Platoon")
[ extrait mp3 - 376 Ko]
Gégé : Non non, arrête... Arrête, ça fait chaud dans les pieds... arrête j'ai mal... ça m' brûle les jambes... arrête j'ai mal ça fait mal... ça monte, ça m'brûle le ventre maintenant !... J't'en supplie arrête... Tu fais une grosse bêtise ! Aïe ! Pas les mains, pas les mains, si tu m'brûles les mains j'deviendrai muet, pas les mains ! Arrête, ça fait chaud dans le coeur, arrête !... Ça monte.... ça m'brûle dans la gorge, j't'en supplie arrête... J'entends plus rien !... Je vois plus rien !.... Laisse moi au moins la bouche ! Laisse moi au moins la bouche j'pourrais continuer à t'insulter, âne bâté, abruti ! Arrête !.... Aaarrrrghhhhhhhh.......
(fin musique)
Cy-real : Gégé ? Gégé t'es là ? C'était ça son secret, hein ?... Gégé ? J'me sens pas bien... Gégé !
Gégé reviens, j'me sens pas bien tout seul t'avais raison... J'ai besoin de toi, reviens... J'suis un âne bâté, j'suis un abruti, excuse-moi, reviens !... Gégé !.......
(Lancement musique finale :
"Keating's triumph",
extrait du film "Le cercle des poètes disparus")
[ extrait mp3 - 702 Ko]
Attends, regarde, regarde, je t'écris un autre parchemin, il est pour toi... Regarde Gégé, reviens !... Reviens !...
Gégé : C'est nul ! Comme d'habitude tout ce que tu écris c'est nul... Mais heureusement que tu as écrit ce parchemin, heureusement... Parce que si tu n'avais fait que brûler le premier parchemin, je s'rai resté coincé sur un petit nuage en attendant qu'il pleuve et là, j'aurais disparu dans le néant. Le vrai secret, c'était d'écrire ce deuxième parchemin. Maintenant, ce que je dis c'est toi qui me le dictes, je suis ton ange gardien, je suis à l'intérieur de toi. Et je te promets qu'on va y aller en Afrique, et qu'on va faire un voyage extraordinaire...
Et je peux vous dire à tous, vous avez tous un ange gardien, à l'intérieur de vous ! Je vous jure qu'on existe, on est ici, exactement, entre le ventre et le coeur... On est cette petite voix intérieure, qui vous fait rire quand vous êtes triste, qui vous accompagne quand on vous quitte, qui vous guérit quand vous êtes malade... Mais j'vous jure qu'on existe... Oh je sais ! Y'en a qui me croient pas, mais ça c'est parce qu'ils nous écoutent avec les oreilles qu'ils ont dehors, il faut nous écouter avec les oreilles que vous avez dedans ! Je vous jure qu'on existe... Croyez-moi...
Ecoutez votre ange gardien !
(baisser la musique)
Cy-real : Merci Gégé, viens on y va maintenant... Y'a les gens qui nous attendent... Faut qu'j'aille leur dire que je les aime... que je les aime...
(final : "Keating's triumph" à fond !)