Manon, une héroïne
De la fiction à la réalité

Accueil > Alexandre Jardin > Manon, une héroïne

Auteur | Oeuvre | Comme un petit sauvage | Manon, une héroïne

« Ô jeune fille discrète, tu es pour moi une héroïne, car le monde
quand il vacille ne tient qu'au coeur des fille gentilles... » (Laurent Voulzy)

Manon... ne s'appelle pas Manon. Ce n'est qu'un surnom que je lui ai donné en référence à la jeune femme du même nom dans le roman le petit Sauvage. Elle était pour moi digne des héroïnes de Jardin, aussi passionnée que ne l'est Fanfan, aussi jeune et vivante que ne l'est Liberté, aussi belle et sensuelle que la Charlotte de l'île des gauchers... Voici un portrait de cette jeune femme époustouflante à travers les personnages féminins décrits par Jardin.

Fanfan

« Fanfan savait simplifier la vie. Elle était affranchie des préoccupations qui brident la plupart des êtres humains. La liberté qu'elle s'octroyait à chaque instant me fascinait. (...)
A l'écouter, l'Everest semblait un talus, les noeuds paraissaient destinés à être dénoués et l'argent n'était un problème que pour ceux à qui elle en devait. Fanfan n'avait pas peur de ses peurs. Sa liberté intérieure me fascinait et m'affolait. Devant elle, j'éprouvais l'envie de me délester moi aussi de mes craintes et de vivre enfin à plein régime. Mais cette aspiration m'inquiétait. Pourtant, Fanfan avait raison. Il faut oublier le conditionnel, aimait-elle répéter.

Elle était curieuse et gourmande de tout, avide de s'utiliser, dévorée par une impérieuse nécessité de réinventer le septième art. La vitalité jaillissait des pores de sa peau.
Ce matin-là, je tombai amoureux de ses défauts. Elle était menteuse mais ne mentait que pour embellir la réalité. Elle avait l'insolence qui fait rire. A la fois culottée, orgueilleuse et férocement jalouse de ceux qui réussissaient plus vite qu'elle, Fanfan échappait à tout ridicule en ne dissimulant aucun de ses travers. Voleuse, elle ne dérobait de l'argent ou du matériel que pour pratiquer son art. Fanfan était de ces êtres qui ne pèchent que gaiement et dont les mauvais penchants ont une grâce particulière. Libre par nature, elle osait être elle-même avec désinvolture. »

Alexandre Jardin, Fanfan

Liberté

« Les dix-huit ans de Liberté la brûlaient. À l'entendre, il fallait révoquer toute paresse, s'obliger à persévérer. Il n'était pas supportable de collaborer avec la médiocrité, de mener une existence sédative qui ne soit pas la vraie vie, un passe-temps métissé d'à-peu-près, sali de concessions. »

« Penser ennuyait ses dix-huit ans ; Liberté préférait sentir. Aussi répondit-elle :
- Qu'est-ce que j'y peux moi si ma vérité doit provoquer des désastres ? Si toutes les catastrophes permettaient à un amour fou de naître, alors je raffolerais des décombres ! La vie n'a pas le droit d'être décevante. »

« Il paraissait sur sa physionomie tout l'éclat qui va avec la certitude d'être amoureuse. Un maintien plein d'élan, une gaieté droite. Liberté était disposée à aimer légèrement, à empoigner le bonheur. La grâce, parfois, n'est pas une séduisante tromperie ; lorsqu'elle jaillit d'une jouisseuse qui ne cherche pas à plaire, elle trahit la vérité d'une âme. Rien ne l'avait encore gauchie. Son regard, empreint de mystères qu' elle-même ne connaissait pas, était brutal comme le danger. »

Alexandre Jardin, Mademoiselle Liberté

Charlotte

« Elle avait la politesse d'être charmante, une physionomie animée et cette grâce qu'on ne rencontre que chez les êtres inachevés et vifs, dans les débuts d'une vie où rien n'est encore barré.

« Cigogne regardait cette femme avec un trouble dont il ne se croyait plus susceptible pour une autre que la sienne (...). Cette Charlotte mettait tout son être, sans oublier ses sens, dans un désordre exquis. Elle se plaisait à lui plaire, le considérait avec cette gourmandise charmante qu'ont les femmes qui raffolent des hommes, qui savent leur faire sentir leur virilité par des riens, des nuances de regards, une façon d'être qui grise. Ses sourires l'entretenaient dans un égarement qui, à chaque seconde, aggravait son embarras. »

Alexandre Jardin, L'île des gauchers

Mais pour moi elle était surtout "Manon", celle qui a réveillé mon existence et ma passion comme l'héroïne de Jardin avait réveillé celles d'Alexandre Eiffel dans "Le petit Sauvage". Elle avait tout d'elle...

Le personnage de Manon est une jeune femme libre, ingénue, toujours prête à s'émerveiller, à s'enthousiasmer à et s'enflammer... avide de vie et d'envies, d'amour et de plaisir ! Elle porte en elle tout ce qu'on n'ose à peine espérer trouver chez une seule femme, la jeunesse, l'esprit, la féminité, la sensualité... De l'amour plein le coeur, des rêves plein la tête et de la vie jusqu'au bout des doigts !

Merci Monsieur Jardin, d'avoir réalisé ce portrait qui me rappelle tant la jeune femme que j'ai aimée...

Manon

Je me passionnai illico, sans forcer mes sentiments, pour cette jeune femme éprise de ferveur et animée par une impressionnante capacité d'émerveillement. En elle la petite Manouche âgée de cinq ans respirait toujours ; son regard radioactif ne s'était pas éteint.

Alexandre Jardin, Le Petit Sauvage


En nageant, Manon me lançait de longs regards. Ses yeux me paraissaient plein de désir pour le Petit Sauvage qu'elle apercevait en moi.

Je montai à bord le premier, lui donnai la main pour l'aider et la tirai ; quand tout à coup, elle sauta à califourchon sur mes hanches ! Je vacillai, m'efforçai de sauver ma vertu, en vain. Elle me viola sans préambule. La houle puissante de son bassin brisa mes ultimes résistances. Quel ressac ! Une ultime déferlante accompagnée de nos cris mêlés me terrassa. A trente-huit ans, je venais de découvrir dans les bras de Manon ce que le terme extase s'efforce d'exprimer. Cette protestante sensuelle élevée dans les parfums m'avait fait à nouveau sentir ma virilité.

Manon ferma doucement les yeux. J'eus alors l'impression qu'elle se reprenait complètement, après s'être toute donnée, remettant entre nous cet éloignement sans lequel le désir ne peut renaître. Jamais je n'avais eu le sentiment de m'unir à ce point à une femme et, soudain, j'en étais entièrement dépossédé. D'instinct, Manon savait se replier au moment où la plupart des maîtresses commettent l'imprudence de s'abandonner.

Alexandre Jardin, Le Petit Sauvage


Telle la petite Manouche, Manon était en train de me guetter, dissimulée derrière les branchages. Je sautai sur le sol et me rendis sous le séquoïa. Manon se trouvait effectivement à quelques mètres au dessus de ma tête, à califourchon sur une grosse branche, vêtue d'une robe légère.

- Tu montes ? me lança-t-elle.

J'escaladai l'arbre dans sa direction. Elle s'enfuit un peu plus haut en riant. Ses jambes nues m'asséchaient la gorge. Je la poursuivis. Elle prit de l'altitude. Je grimpai avec plus d'empressement. A chaque fois elle se dérobait. Le chat, la souris. Plus elle m'échappait, plus mon désir s'emballait. Quand nous atteignîmes le sommet de l'arbre, elle s'écria avec joie :
- Le petit sauvage, dans MON arbre !

Avec gourmandise, elle me bascula dans une position follement périlleuse qu'il serait déplacé de peindre avec précision. La houle de son ventre, son goût immodéré pour certaines positions acrobatiques, sa grâce dans l'abandon, tout cela ensemble me plongea dans un insondable contentement des sens.

Alexandre Jardin, Le Petit Sauvage


J'étais toujours pour Manon dans une disposition qui me ramenait sans cesse vers son souvenir. Plus je consultais mon cœur moins je doutais qu'elle fût la femme de ma nouvelle existence. La fièvre avec laquelle elle m'avait fait l'amour me manquait également. Entre ses cuisses et entre ses lèvres, elle m'avait fait connaître des vertiges qui tenaient moins du coït que de l'envolée spirituelle. Quand le corps permet d'oublier le corps. Quand la poésie se mêle au foutre. Quand l'âme trouve son compte dans une fellation royale. Mes sens exaspérés par l'abstinence réclamaient mon retour auprès de Manon.

Alexandre Jardin, Le Petit Sauvage


Mes sentiments pour Manon étaient aussi vifs que ceux que le Petit Sauvage avait éprouvés pour Madame de Tonnerre. Je lui trouvais toutes les grâces héritées de sa mère rehaussées par un piquant qui lui était propre. Son esprit continuellement en mouvement promettait une vie conjugale qui demeurerait un jeu grave et léger. Et elle manifestait un tel goût pour les étreintes sans fin...

(...) J'étais né pour Manon !

Alexandre Jardin, Le Petit Sauvage


On s'étonnera peut-être de ce que j'aie pu recourir à un tel stratagème pour reconquérir Manon ; mais j'étais disposé à réenchanter le réel, comme font les enfants lorsqu'ils s'amusent. Je voulais retrouver le chemin du jeu. Et puis j'étais FOU AMOUREUX ! Aucune dépense de temps et d'argent ne me paraissait superflue pour reconquérir Manon. Je me sentais sans limites.

Alexandre Jardin, Le Petit Sauvage

Auteur | Oeuvre | Comme un petit sauvage | Manon, une héroïne


Accueil > Alexandre Jardin > Manon, une héroïne

phpMyVisites | Open source web analytics phpMyVisites